Comme des îles imaginaires, les différentes méditerranées camusiennes se répondent et se correspondent : on ne peut parler de l’une sans parler de l’autre (ou des autres).
En effet, il est aisé de constater que l’Algérie, l’Espagne, l’Italie et la Grèce apparaissent comme des pays aussi évocateurs et dynamiques les uns que les autres dans l’imaginaire camusien, et que –de plus– leurs caractéristiques méditerranéennes sont à la fois communes, échangeables… et complètement idéalisées.
En fait, ces espaces insulaires –parce qu’indépendants mais formant un archipel méditerranéen– sont d’abord présentés par Albert Camus comme des espaces habités par des « peuples heureux [qui] n’ont pas d’histoire », tel que le dit sentencieusement Roland Zagreus dans La Mort heureuse1 .
Il existe en fait une Méditerranée vécue, souvent idéalisée, avec des îles dont les délimitations correspondent plus ou moins à des espaces géographiques concrets et, d’autre part, une Méditerranée « rêvée » (voire pratiquement mythique) qui véhicule tous les idéaux camusiens.
Ceci dit, tous deux reposent sur un même paysage, et surtout sur des hommes et des femmes semblables. Ce sont eux qui, en dernière instance, transforment les espaces en îles, que ce soit par leur isolement ou par leur exil.
Hélène RUFAT.