Journée internationale de la Francophonie. Soirée conférence, mercredi 2 avril 2014 à 19h.30 au Centre Culturel « La Llacuna ».

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Jean-François COLONNA, Docteur en Sciences, il est chercheur au Centre de Mathématiques Appliquées de l’Ecole Polytechnique où il mène des recherches sur le calcul scientifique, le génie logiciel et la visualisation scientifique.L’ensemble de ses travaux débouche sur le concept d’expérience virtuelle, consistant à réaliser des expériences, non pas sur un système, mais sur sonmodèle mathématique. Les images et animations qu’il a créées, plus de 5 300 à ce jour, couvrent de nombreux domaines des mathématiques (en particulier la géométrie fractale) et de la physique (mécanique quantique, mécanique céleste, chaos déterministe,…) et sont visibles, ainsi que de nombreux articles, sur son site www.lactamme.polytechnique.fr.

A quoi servent et que sont les mathématiques ? …. Les Mathématiques, sans que nous en ayons toujours conscience, sont omniprésentes dans la vie courante (téléphone portable, DVD, MP3, photographie numérique, GPS,…). Aujourd’hui, puissamment secondées par les ordinateurs, elles peuvent aussi être considérées, à côté du microscope et du télescope, comme un instrument d’optique qui chaque jour nous révèle de nouveaux et mystérieux aspects de notre univers.

Pour commencer, nous définirons les mathématiques comme un ensemble de symboles abstraits, de règles de manipulation et d’axiomes (c’est-à-dire des vérités de base admises par tous, pour leur évidence à priori ou à posteriori à partir desquelles seront démontrés des théorèmes (c’est-à-dire de nouveaux énoncésvrais) en suivant un chemin logique incontestable et vérifiable.

En premier lieu, rappelons que la tâche première du physicien est de regarder, d’observer ce qui l’entoure, près ou loin de lui. Le sens de la vision joue ici un rôle essentiel et il est d’ailleurs très certainement à l’origine de la curiosité scientifique en nous permettant deconstater des régularités, des symétries, des invariances autour de nous.

En second lieu, le physicien mesure (des longueurs, des vitesses, des températures,…). Aujourd’hui, qu’il s’agisse d’observation ou de mesure, il est rare, en ce qui concerne la physique fondamentale, que ces opérations puissent être menées sans un appareillage très complexe et fort coûteux. A titre d’exemple l’étude expérimentale des particules élémentaires se fait à l’aide d’accélérateurs de particules tel le LHC (Large Hadron Collider) du CERN à Genève. Cette machine est à l’intérieur d’un tunnel de 27 kilomètres de circonférence et les outils de mesure pèsent de l’ordre de10.000 tonnes chacun.

Tout modèle doit être réfutable: les prédictions de nature mathématique doivent ensuite être vérifiées par des expériences réelles (par opposition avec les expériences virtuelles, généralement fort délicates, voire impossibles).

Aujourd’hui, la spécialisation est inévitable: on peut évidemment le regretter, mais les choses sont ainsi. Cela implique nécessairement des relations et des coopérations interdisciplinaires, en particulier entre mathématiciens et physiciens.

Certainement de façon utopique, peut-être vont-elles sauver l’humanité (lesmathématiques). En effet, notre terre va mal : besoin d’innovation, pollution, épuisement irréversible de nombreuses ressources naturelles, changement climatique,… Le besoin de comprendre ce qu’il se passe, de maîtriser, de prévoir les évolutions à long terme,… implique une description objective des phénomènes. Donnons un exemple concret relatif à l’énergie : sa production par les filières nucléaires est issue de recherches menées sur la structure de la matière au début du XXème siècle par des pionniers de façon très abstraite, grâce à la mécanique quantique. Et ces recherches sans applications à priori révélèrent les énergies titanesques tapies au cœur de la matière que l’homme a su ensuite exploiter industriellement et militairement.

Les mathématiques en tant que langage de la physique, associées à l’informatique, nous permettent aujourd’hui de mettre en œuvre une approche expérimentale nouvelle : celle de l’expérimentation virtuelle par opposition à l’expérimentation réelle.

Une expérience réelle consiste à manipuler, observer et mesurer de vrais objets. Une expérience virtuelle utilisera, quant à elle, non pas de vrais objets mais leur modèle mathématique.

Créer ou chercher : il y a certainement assez peu de différences entre ces deux activités intellectuelles et il n’est donc pas surprenant que les mathématiques et l’art entretiennent d’étroites relations.

Cette rencontre peut aujourd’hui se prolonger avec la notion d’œuvre potentielle. Dans ce contexte, l’œuvre n’est plus l’image mais bien plutôt le modèle mathématique sous-jacent qui contient en lui une infinité d’œuvres du même type, tout comme le compas contient une infinité de cercles.